Ismaël Kando
Je m’appelle Ismaël Kando.
Je suis atteint d’anémie falciforme. Je suis né au Niger, en Afrique de l’Ouest. Depuis que j’avais sept mois quand j’ai été diagnostiqué, ma vie est liée aux hôpitaux. Il n’y avait pas beaucoup de médicaments pour me traiter alors je prenais juste du fer tous les jours et en cas de crise, j’étais souvent transfusé. J’ai beaucoup souffert de crises de douleur, et je n’ai jamais pu pratiquer de sport lorsque je grandissais. J’ai passé la majeure partie de mon enfance à la maison ou à l’hôpital. En 2004, à mon arrivée (à 15 ans) au Québec, j’ai commencé à être suivi à l’hôpital Sainte Justine. Je faisais beaucoup de crises vaso-occlusives et j’avais un retard de croissance d’environ 3 ans. C’est à ce moment qu’on m’a offert le programme transfusionnel qui a été une bouffée d’oxygène pour moi. Le choix pour moi a été clair, car je voulais grandir et moins souffrir. À ce moment-là, je me souciais très peu des conséquences que cela impliquait, j’avoue que je n’ai même pas écouté. Pendant les deux années suivantes, de 2005 à 2007, j’ai reçu des transfusions sanguines à une fréquence de 2 à 3 semaines. J’ai grandi et j’ai eu moins de crises. Mais c’est là que ma surcharge de fer a commencé. Cela ne m’a jamais traversé l’esprit que c’était quelque chose dont je devais me soucier. Après la première étape du programme de transfusion qui a duré 2 ans, on a revu le médecin pour faire un bilan et savoir s’il fallait arrêter ou continuer. Il était clair pour moi qu’il fallait aller chercher toutes les petites victoires possibles alors j’ai demandé ou plutôt supplié de continuer pendant une autre année. C’est à ce rendez-vous médical que la surcharge de fer nous a été mentionnée, mais pas comme étant quelque chose d’alarmant. À ce même rendez-vous, le médecin nous a parlé d’un nouveau médicament qui était en développement, et que j’étais éligible pour faire partie de l’essai clinique. Au début, j’étais intéressé, parce que cela me donnerait l’opportunité de continuer le programme transfusionnel et de prévenir la surcharge de fer en même temps ! Quelques jours plus tard, on a reçu le courrier à la maison avec toutes les informations pour l’étude clinique. Il n’y avait pas beaucoup de détails sur le médicament en tant que tel, mais plus d’informations sur les procédures d’admission et le déroulement de l’étude. Je me rappelle qu’une des premières feuilles sur la pile était un formulaire de consentement que mes parents devaient signer pour décharger la compagnie de toute responsabilité en cas de décès. J’ai alors compris que ma situation était grave, et que sans traitement, cette surcharge de fer pouvait me tuer. J’ai passé une autre année à l’hôpital Sainte-Justine, puis à mes 18 ans il fallait commencer ma transition vers l’hôpital Notre Dame. Quitter le confort et le cocon de l’hôpital Sainte-Justine me faisait peur, mais une fois arrivé à l’hôpital Notre-Dame, l’équipe était aussi gentille et accueillante. Jusqu’à très récemment, ma mère a continué à venir à tous mes rendez-vous. Mon nouveau médecin traitant a fait un bilan et la surcharge de fer n’était pas non plus une grande priorité, il fallait diminuer la fréquence des crises vaso-occlusives, parce qu’avec toutes les visites médicales, les visites à l’urgence, ou même les jours où j’étais juste trop fatigué pour me concentrer, mes études ont souffert. Ensuite, on m’a proposé de prendre le médicament Hydroxyuréa, un traitement qui a fonctionné pour moi pendant au moins 5 ans. Ceci m’a permis de finir mes études postsecondaires et d’avoir une vie relativement normale. J’ai quitté le cocon familial ! Je travaille et j’essaie de vivre comme tous les jeunes de mon âge. Mais ce n’est pas évident. Travailler 40 heures par semaine et sortir avec les amis me demande plus d’effort que les autres. Je dois me reposer, faire attention à ma santé, car une crise peut me clouer au lit pour plusieurs semaines. Alors je vis toujours avec un stress. Il faut toujours garder à l’esprit que je dois faire attention. L’Hydroxyuréa m’a permis de souffler, mais graduellement j’ai vu ma dose monter peu à peu et finalement le médecin a décidé de cesser ce médicament, car je ne répondais plus au traitement. Pour un petit bout, j’ai recommencé à avoir autant de crises vaso-occlusives qu’avant, alors le médecin m’a proposé de faire les aphérèses (processus consistant à prélever du sang, à filtrer un élément du sang, puis à remettre le sang filtré dans le corps). Étant donné que je reçois une grande quantité de sang à chaque aphérèse, mon niveau de surcharge de fer s’est accru très rapidement. C’est là que pour la deuxième fois on m’a proposé de prendre l’Exjade qui était disponible comme médicament. Au début, la prise a été un peu difficile, j’ai eu beaucoup d’effets secondaires. Après quelques semaines et avec l’aide de l’infirmière du programme de soutien, j’ai essayé de le prendre à différents moments de la journée, ou d’essayer avec de l’eau à la place du jus de pomme. Pour moi, c’est une autre bouffée d’oxygène. Maintenant grâce aux aphérèses et à l’Exjade, j’arrive à avoir moins ou presque plus de crises vaso-occlusives et à baisser mon niveau de fer. J’espère conserver mes reins, mon cœur, mon foie dans un bon état, pour bénéficier des traitements novateurs à venir…
Mais j’ai beaucoup de craintes. Le futur pour moi reste une succession de questions : j’espère que le médicament Exjade
va fonctionner afin que je puisse continuer les aphérèses et vivre normalement. Pourrais- je continuer à faire le même métier en vieillissant ? Avec tous ces médicaments, pourrais-je voir des enfants ? Il y aura-t-il une cure pour moi un jour ?