Manitoba
Sickle Circle of Manitoba, SCM
Sickle Circle of Manitoba, SCM
Bonjour,
Je m’appelle Beverly Ndukwu. Je voudrais partager avec vous mon expérience de vie avec la drépanocytose (anémie falciforme).
J’ai été diagnostiqué à l’âge de 2 ans. C’est à ce moment-là que j’ai vécu ma première crise. D’après mon père, j’étais sur mon lit de mort à cause de la méconnaissance de la maladie. À l’époque, nous vivions à Brandon, au Manitoba, et personne ne savait de quoi je souffrais. La nouvelle sur mon état s’est rapidement répandue dans la communauté nigérienne et mon futur pédiatre a pu heureusement me diagnostiquer et me traiter par une opération de sauvetage extrême. J’ai de vagues souvenirs de ce qui s’est passé durant les années suivantes. J’avoue que j’étais très inconsciente de la sévérité de ma maladie. Je savais seulement que j’étais très malade, que je passais beaucoup de temps aux urgences, avec quelques hospitalisations, parfois combinées à des transfusions sanguines. Je ne savais pas pourquoi j’avais si souvent mal alors que je ne m’étais pas fait mal. La douleur est devenue une partie de ma vie.
Si l’on passe rapidement à mon année de secondaire 4, j’avais 15 ans. J’avais presque terminé l’année scolaire et me préparais pour les examens. C’est à ce moment qu’une autre crise me ramena à l’hôpital et je finis par manquer mes examens. Je me souviens d’une conversation avec mon professeur de mathématiques. Il m’a dit qu’il allait faire la moyenne de mes notes et de ne pas m’inquiéter. Nous avons discuté un peu plus et il m’a posé des questions sur drépanocytose. Je ne sais pas pourquoi cela m’a pris 15 ans pour me rendre compte de la situation, mais à ce moment-là, je me suis sentie démunie de ne pas pouvoir lui expliquer ce qu’était ma maladie. À partir de ce moment, j’ai décidé de me renseigner. C’était cette simple question qui s’est avérée être l’une des meilleures choses pour moi, à savoir me renseigner sur la drépanocytose.
La drépanocytose affecte la vie des gens de différentes manières. J’ai dans le cerveau une spirale d’anévrisme qui a saigné, un taux d’hémoglobine sévèrement bas, des cicatrices sur les poumons suite à plusieurs crises du syndrome thoracique et un cœur légèrement dilaté qui bat plus vite pour oxygéner mon corps. Dans ma famille de cinq enfants dont trois filles et deux garçons, ma petite sœur et moi étions les seuls à avoir la maladie. Elle est malheureusement décédée de complications de la maladie à l’âge de sept ans. C’était dévastateur pour moi de voir ma sœur se battre et j’ai eu un énorme chagrin de la voir partir. Elle est la raison de ma gratitude pour la vie que je vis. Je sais que si je reste en forme, je m’hydrate, mange correctement et réduis le stress dans ma vie, je vais rester relativement en bonne santé.
D’après mon expérience, voici à quoi ressemble une crise de drépanocytose. J’en garde un souvenir très vif parce que ça m’a fait peur et m’a beaucoup secoué. Je me souviens que je m’étais réveillée au milieu de la nuit, avec une pression et une douleur si accablante que je ne pouvais pas reprendre mon souffle. La douleur dans ma poitrine était si intense que je pouvais à peine parler pour appeler mes parents. Je ne pouvais littéralement pas respirer et pensais vraiment que j’allais mourir. Nous avons découvert plus tard que j’avais un syndrome thoracique aigu, une complication potentiellement mortelle de la drépanocytose. Cette complication entraîne des douleurs thoraciques graves, de la fièvre et des difficultés respiratoires. C’était ma première crise parmi tant d’autres. Je ne me souviens pas de la durée exacte, mais je crois que je suis restée cinq jours à l’hôpital. Cela m’a pris du temps, car je n’avais pas le droit de quitter l’hôpital avant d’avoir réappris à respirer correctement. J’ai dû prendre des respirations peu profondes pour compenser la douleur ressentie dans ma poitrine.
En plus de m’éduquer, je comprends l’importance d’éduquer ma communauté. Chaque fois que je me rendais à l’hôpital ou chez le médecin et que je disais que je souffrais de drépanocytose, je constatais une expression d’incompréhension sur leurs visages. Cela me frustrait et m’énervait aussi. Je me suis demandée comment ils allaient prendre soin de moi s’ils ne savaient rien de la maladie dont je souffre. De ce fait, ma confiance en notre système de santé avait baissé au fil des années. Maintenant, j’essaie de transformer cette colère en quelque chose de positif. Ici, à Winnipeg, j’ai créé le « Sickle Circle of Manitoba », un organisme à but non lucratif qui sensibilise, éduque les gens sur la drépanocytose. Il y aura un groupe de soutien pour toutes les personnes affectées par la maladie. Je trouve que c’est vraiment bien de parler avec des personnes confrontées aux mêmes défis que vous, de partager les expériences, de comprendre et d’apprendre avec eux. Je sais que cela aide beaucoup.
À présent que vous connaissez une partie de mon histoire, voici ce que je veux que vous reteniez de moi.
Je suis en général une personne très heureuse. Je me suis créé une vie merveilleuse avec un système de soutien qui est présent durant mes hauts et mes bas, et pour cela, je suis très reconnaissante. Je travaille dans une clinique de mammographie en tant que technicienne en mammographie, et dans une clinique de chiropratique en tant que technicienne en radiologie. J’enseigne aussi aux enfants des classes de théâtre. Je suis moi-même actrice. Je reste certes occupée, mais je remplis mes journées en faisant les choses que j’aime. Je garde une attitude positive face à ma situation. Je ne laisse pas la drépanocytose prendre le dessus sur ma vie. Ce n’est pas quelque chose auquel je pense tous les jours. En fait, parfois je l’oublie jusqu’au prochain rendez-vous médical ou si je tombe malade. La drépanocytose est ma maladie. Ça m’appartient. Elle ne me possède pas ou me conduit à baisser les bras dans ma vie quotidienne.
En partageant mon histoire, j’espère encourager la sensibilisation à cette maladie et inspirer des changements qui impacteront positivement la vie des gens affectés par cette maladie. Les personnes atteintes de drépanocytose sont parfois qualifiées de victimes silencieuses, pour de nombreuses raisons dont l’une est culturelle. Je veux aborder cette question parce que si vous avez la drépanocytose, vous êtes né ainsi. Ce n’est pas une maladie dont je vais avoir honte et ressentir le besoin de la cacher. Cela vous limite à bien des égards. Les drépanocytaires sont les personnes les plus fortes que je connaisse du fait de la résilience dont elles font preuve en menant constamment la vie quotidienne dans la douleur. Alors, continuez à nous soutenir à lutter avec plus de détermination pour avoir des vies heureuses et productives.
Beverly Ndukwu
Winnipeg Manitoba